7 années scolaires au Kansas, Harry Potter et le reste

J’ai fini la saga Harry Potter, il y a une semaine. J’ai eu du mal à décrocher dans les dernières pages. J’avais besoin de lire le dénouement. C’est drôle en fait parce que cette saga m’aura tenue en haleine pendant plus de 16 ans. Je l’avais commencée en décembre 2001. Les livres ne m’étaient pas destinés : c’était un cadeau de Noël de mon grand frère à mon petit frère, mais les 4 premiers tomes avaient atterri dans mes mains, j’avais ouvert la première page et je n’avais pas pu décoller mes yeux jusqu’à la fin du 4ème tome quelques semaines après. Mon petit frère me les a légués.

La folie Harry Potter aux Etats-Unis

A l’époque j’habitais Taiwan et c’est l’année où ma 3ème était née à Taipei, nous étions en 2002. J’ai laissé ensuite les livres et quand mes filles ont eu l’âge de le lire, elles ont eu accès à la collection entière d’un coup ou presque. C’était devenu un livre culte pour elles et les livres en portent les traces. C’est mon petit dernier qui a commencé la série cet hiver, et quand il a atteint le tome 5, j’ai dit que j’allais l’accompagner dans sa lecture, lui en anglais et moi en français. Le livre était abîmé d’avoir été trop lu, et avait une petite note de ma seconde fille :”Je ne veux pas partir aux Etats-Unis” ! C’était donc il y a 10 ans.

Pourquoi je vous raconte cela. Cette série m’aura bien sûr marquée aussi. Mais je n’ai pas pu m’empêcher de faire un parallèle quand même. L’année scolaire chez nous touche à sa fin. Dans un mois, ce sera fini. Nous terminons encore une année scolaire au Kansas, la 7ème.

Encore une année qui a défilé et qui nous a vraiment échappé. Cette année aura certainement été la plus difficile. Difficile car quand elle file et que des événements s’invitent sans crier gare, vous déstabilisent et vous laissent presque par terre, il faut jour après jour, se relever et continuer à espérer. L’année scolaire se termine certainement mieux que ce qu’elle a commencé mais rien n’est sûr. Vous avez certainement suivi nos aventures.

En remontant dans le temps, je reprends là, où j’en étais fin novembre. J’étais allée faire un tour à Montréal, voir ma grande. Un long week-end de complicité où je m’étais pas mal promenée encore dans Montréal, cette ville que j’aime bien mais qui parfois me déroute. J’aurais dû en faire un article, mais deux jours après mon retour, mon mari a été licencié comme ça, sans raison, à l’américaine en 5 minutes et le choc nous a laissés chaos, sur le bord de la route : vous savez, cette sensation, quand vous venez de vous prendre un coup dans le ventre, et que vous essayez de reprendre votre souffle ? C’était ça ! Alors, je ne vais pas revenir plus là dessus, c’est quelque chose que je ne souhaite à personne de vivre, mais cette année, j’ai eu plus de 3 amies dans ce cas-là. L’incertitude devient votre quotidien. Vous êtes juste suspendu aux entretiens et pistes d’embauche et vous vous dites que ce n’est pas le moment de craquer.

Il a fallu reprendre nos esprits : on se remettait à peine de ses 7 mois de chômage entre juillet 2016 et février 2017.

Et comme nos vacances de Noël avaient déjà été payées, nous y sommes allés tous les 6. Moab, c’était le meilleur endroit pour se reposer et surtout vivre normalement. Sauf, que si vous avez lu cet article, vous savez que le séjour ne s’est pas terminé très bien pour moi. Un pied qui glisse sur la glace et une chute de 2 mètres sur les rochers dans le Canyonlands National Park, m’a laissée encore plus chaos, choquée et épuisée. Le retour à la réalité de retour chez nous m’a vite fait oublier cet épisode, d’autant plus que les marques sur mon visage ont rapidement disparu.  Mais ce n’était pas la fin du tunnel.

L’hiver a été rude et froid, très froid. Et le jour où ma seconde fille devait reprendre le chemin de l’université (le 15 janvier) en retraversant le Kansas pour arriver au Colorado, il avait fait -20°C dans la nuit et les routes étaient gelées et enneigées. On a essayé de leur dire que c’était peut être risqué de repartir ce jour-là. On passe souvent pour des parents emmerdeurs de service parce-que trop conscients des dangers. Everything is fine ici, pour tout le monde. Et elle avait attendu le dernier moment pour s’arracher à la torpeur familiale. Elle repartait avec son boy friend, Stephen et leur chien, un adorable petit cattle dog. Les webcams de la highway I-70 montraient une route encore enneigée par endroit. Au Colorado, les conditions semblaient meilleures. Ils sont partis. A 16h, elle m’a envoyé un text pour me dire, que tout allait bien, ils venaient de passer la state line du Colorado. Ouf, plus rien ne pouvait leur arriver.

A 17h10 chez nous, j’ai dit à ma fille, Li-Ming restée à la maison que je ne voulais pas l’emmener à sa répétition de musique à l’école. La route était gelée devant chez nous et en partant à un rendez-vous, j’avais vu la voiture de mon mari glisser sur notre drive way. C’est à ce moment-là, que mon téléphone a sonné.

C’était Jessica, la mère du boy friend de ma fille. Elle m’a dit : “Isabelle : the kids just had an accident. The kids are Ok, Lola (le chien) didn’t make it…” mon coeur s’est arrêté de battre. Leur petit chien était mort, me faisant comprendre d’un coup à quel point l’accident devait avoir été violent. Alors, après avoir dissuadé les parents de Stephen de ne pas prendre la route, le soir même, car c’était de la pure folie vue l’état des routes, c’est en avion que nous nous sommes rendus à Denver, le lendemain aux aurores. Les enfants, après un passage à l’hôpital, avaient été récupérés par une tante de Stephen qui habite Denver et qui était accourue quand elle avait su. Levée à 4h du matin, l’avion était à 6h, nous étions auprès d’eux à 8h. Ils étaient un peu cassés mais entier en apparence. Nous sommes partis par la suite à la recherche de leurs affaires qui avaient été rassemblées dans la voiture qui venait de faire plusieurs tonneaux sur le bas côté de l’autoroute, et qui était à la casse. Je vous épargne dans quel état nous l’avons retrouvée. Les affaires couvertes d’herbe : tout avait été éjecté lors de l’accident. Nous avons TOUT retrouvé presque intact et RIEN ne manquait (ordinateur, appareil photo etc), sauf le téléphone de Stephen que l’on n’a jamais retrouvé même sur l’emplacement de l’accident où nous nous sommes rendus. Tout le monde était sonnés en voyant l’état de la voiture.

Cette journée avait été consacrée à rassembler les morceaux cassés. A 5h de l’après-midi, on s’était rendu compte que nous n’avions pas mangé depuis le petit matin. Il était temps de revenir à la réalité. Mais il nous a fallu 5 jours pour remettre tout le monde “on track” entre rendez-vous de médecins, et autres problèmes administratifs à régler. J’ai été accueillie chez la tante de Stephen pendant ce temps là. J’ai pu apprécier la meilleure des hospitalités. Ces 5 jours resteront toujours gravés dans ma mémoire : ils ont été un vrai havre de paix à ce moment si difficile pour ma fille et son boy friend. C’est le samedi que tout le monde est retourné à son quotidien. Nous étions le 20 janvier. La catastrophe venait de frôler un membre de la famille pour la seconde fois en moins de 3 semaines.

Cet épisode nous a tous laissé épuisés, à commencer par ma fille qui a longtemps souffert de douleurs diffuses. Heureusement elle a été très bien prise en charge par la suite. Faire deux tonneaux à 120km/h ne laisse pas indemne. L’hiver n’était pas fini et nous n’avons plus regardé la neige et la glace de la même façon. Elles venaient de nous rappeler à quel point on est vulnérable parfois.

C’est début mars, que la lumière a commencé à revenir. Et c’est pour cela que nous avons décidé de repartir en vacances qui avaient été payées bien avant le licenciement de mon mari. Une bonne bouffée d’oxygène alors que nous entrevoyons enfin, une issue. Mon mari a recommencé à travailler il y a deux semaines.

L’année scolaire se termine sans vraiment savoir ce que sera la suite. Mon mari fait des aller-retours, là où il a trouvé du travail (je n’en dis pas davantage pour le moment).

7 ans au Kansas ce n’était pas vraiment une fin en soi, mais c’est comme si un cycle venait de se fermer. J’ai toujours pensé que ce séjour au Kansas était le précurseur de quelque chose de plus grand. Et paradoxalement, pour le moment, je n’ai aucun projet de le quitter, ni de vision précise de ce qui va se passer. Pas facile, cette transition, pas facile de vivre dans l’incertitude, pas facile de se dire non plus que nous n’avons pas encore trouvé ce que nous étions venus y chercher. Mais apprendre à vivre dans l’instant présent en appréciant ce que l’on a, est finalement la meilleure des stratégies pour le moment.

On s’installe à un endroit, on essaye de son mieux, d’insérer tout le monde, on s’ouvre vers une autre culture, on se fait des amis, et parfois, il faut tout recommencer. Cet hiver, m’a laissée épuisée sans aucune envie de tout re-chambouler de nouveau, ni pour mes enfants, ni pour moi. Pour le moment, je reste ici.

Ecrire sur ce blog est aussi devenue un challenge. Continuer ou pas ? 7 ans se sont écoulés depuis notre arrivée ici au Kansas, 6 ans depuis le début de ce blog et 10 ans presque depuis notre arrivée à San Francisco. Comment continuer un blog alors que chaque année se répète avec des nouveaux défis, mais toujours les mêmes enchaînements. J’ai visité pratiquement tous les endroits à voir dans le coin. Je vous ai décrit et partagé les événements scolaires, mes séjours à Montréal, nos vacances au ski, et quelques endroits où nous sommes revenus plusieurs fois. Y a-t il encore de la place pour décrire encore et encore, toujours les mêmes choses ? Bien sûr, nous avons toujours le projet d’aller à la découverte de nouveaux endroits, et j’ai encore quand même des idées d’articles. Mais enchaîner 2 périodes de chômage en 2 ans de temps, ne nous permettra pas dans l’immédiat d’aller au delà.

Nous avons eu la chance pendant ces 10 années de beaucoup voyager, et de découvrir ce pays fascinant. Depuis 2011, cependant, j’ai du rentrer juste 4 fois en France et mon pays me manque. Cet été, il n’y aura pas de voyage extraordinaire dans l’Ouest Américain. Il y aura juste un retour en France pour un mois, pour 3 d’entres nous. Parce-que parfois, on a juste besoin d’un peu de calme et de retour à ses propres racines. Les montagnes du Colorado sont magnifiques mais pour moi les Alpes resteront toujours les plus belles.

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34 Comments

  1. says: Sissi

    J ‘ai été très émue par ton article. La vie d’expat est enrichissante mais aussi difficile à de nombreux points de vue. C’est un énorme challenge et sincèrement je vous admire ta famille et toi pour tout le chemin que vous avez parcouru. Je suis très peinée pour l’adorable petite Lola. Et j’ai été heureuse aussi de savoir que vous alliez tous bien et que ton mari avait retrouvé un emploi.
    Passez une belle semaine ! Je vous souhaite plein de bonheur et de joies grandes et petites mais qui vous “feront chaud au cœur”.

  2. says: Severine

    Bon courage pour la suite Isabelle. Contente que le chômage soit derrière vous et je suppose que le nouveau job sera l’occasion d’un déménagement. C’est bien aussi de tourner la page de temps en temps 😉. Bises

    1. merci .. ce que j’expliquais c’est que pour le moment je n’envisage pas de déménager… L’endroit où mon mari a trouvé du travail ne m’enchante pas du tout. Et je ménage ma 3eme pour qu’elle finisse sa high school ici ..

  3. says: July

    Bonjour,
    je lis régulièrement votre blog avec plaisir et parfois émotion, merci de ce partage depuis tant d’années, vous restez toujours pudique tout en nous permettant de suivre un peu de votre vie au Kansas.
    Je vous souhaite le meilleur dans ce qui s’annonce comme un nouveau changement, prenez soins de vous, la France et les Alpes feront le reste 🙂 !
    July

  4. says: MURIEL BOISSY

    Coucou Isabelle,

    C’est très émue que je termine la lecture de ton article. Je constate que cette année scolaire qui se termine a encore été riche en événements et émotions pour toute la famille ! tous ces accidents cumulés affaiblissent énormément et il faut une force incroyable pour rebondir et aller de l’avant comme vous le faites ! J’apprends également que Gabriel a connu une nouvelle période de chômage ? ça du être très dur pour toute la famille, il semble qu’il ait retrouvé un nouveau poste mais loin de chez vous ? Je comprends que tu rentres en France cet été afin de retrouver tes racines ta famille afin de te ressourcer faire le point peut-être et retrouver l’énergie nécessaire pour continuer et repartir pour une nouvelle année. J’espère que tu as bien récupéré de ta chute ainsi qu’Amélia de son accident de voiture.
    On pense fort à vous et attends avec impatience de vos nouvelles,
    bises à tous Muriel

  5. says: Odile

    J’ai découvert votre blog, Isabelle, en faisant une recherche sur les méthodes d’apprentissage de la lecture dans les pays anglophones. Depuis je le suis avec grand intérêt car entre autres il me permet de mieux comprendre la vie et les réactions de mes amis américains, des familles qui ont accueilli nos enfants lors d’échanges linguistiques et avec lesquelles se sont tissés des liens. Je comprendrais parfaitement que vos articles soient moins fréquents, au bout de quelques années il n’est pas facile de se renouveler. Mais si vous en avez encore l’envie, continuez à nous faire signe de temps en temps. J’ai tant appris sur l’Amérique réelle grâce à vous. Merci Isabelle

  6. says: Jessica

    Bonjour Isabelle, je lis votre blog depuis 6 ans maintenant, l’époque où je faisais des recherches pour notre voyage aux Etats-Unis. Au delà de l’aspect voyage, ce que j’ai apprécié, et apprécie encore, c’est de lire la vie quotidienne d’une famille expatriée au milieu des Etats-Unis mais aussi la face cachée de ce qu’implique une expatriation. Parce que ce n’est pas toujours rose ou facile ! C’est cette réalité, cette vérité et cette sincérité que j’apprécie sur ce blog, la vraie vie sans artifice. Et les récits de voyage sont toujours de belles découvertes ! J’avais senti depuis quelques temps le ton plus “spirituel” des articles (et des photos sur l’autre réseau), comme si quelque chose couvait… Je vous souhaite de vous retrouver, de retrouver le courage et de ressourcer. Rien de mieux que retrouver ses racines pour recharger les batteries. La suite est pour plus tard… Courage et merci de partager tout cela avec nous.

  7. says: Julie

    Je suis désolée de ce qui est arrivé à votre fille et son petit-ami, j’espère que ce triste épisode est derrière eux maintenant.
    J’espère que vous continuerez à écrire, j’aime toujours autant venir sur votre blog et voir justement la vraie vie d’une expat moi qui souhaite tant vivre aux US un jour.
    Et puisque nous ne sommes que le lendemain du 2 mai, je vous souhaite plein de bonheur!

  8. says: jean pierre

    Bonjour,
    Je vous lis (et commente rarement) et vous dis bravo car ce n’est pas toujours facile d’écrire et décrire des moments difficiles de sa vie même si les beaux jours arrivent…
    Je vous souhaite plein de bonnes choses pour la suite.

  9. says: French Lily

    Ouf! Je sens l’épuisement d’autant d’émotions. Je te souhaite de pouvoir prendre du temps pour toi. Du temps pour retrouver le calme et la paix sans avoir à prendre de décisions “life changing” tant que la poussière ne sera pas retombée. Et j’espère pouvoir continuer à te lire. 🙂

  10. says: Catherine

    Isabelle, quelle année épuisante. Les batteries doivent être bien à plat, il va falloir un peu de temps et de zénitude pour les recharger. Notre chambre d’amis vous est ouverte pour un tour à Washington quand vous le voulez (20 heures de route en voiture ?!)

    Un grand merci pour partager, même les coups durs. Patience et courage pour la suite, je comprends bien que déménager n’est pas une option aujourd’hui. Quant à FromSide2Side, écrire dans un blog est généreux, car ils ne rapportent pas tous de l’argent. Je connais le blues du blogueur, je suis en plein dedans. Je ne manque pas d’idées mais mon quotidien, mes voyages ne font pas partie de mes récits. Pourtant c’est les em… jours après jours, semaines après semaines, et même mois après mois, qui me bloquent. Qu’est ce que cela m’apporte de continuer ? Des jours rien du tout, et puis parfois, il y a l’interview surprise, 20 nouveaux abonnés en 2-3 heures, un relais sur une page officielle. Cela remet de l’huile dans les rouages. Peut-être est ce pour toi AmerikSanté ?

    J’ai failli passer à Kansas City les jours prochains (mon mari et des amis partent faire le Katy Trail en vélo et je pensais l’accompagner – en voiture !), ton blog m’aurait certainement servi d’orientation ! Quant à Montréal, j’y serais vers le 20, histoire d’y emmener ma grande qui y récupère son logement).

    Courage, santé, amour, voilà que je te souhaite, ainsi qu’à ta famille.

    1. Merci Catherine, ah oui le Kathy trail : j’aurais bien aimé t’y rencontrer et pour l’offre pour la chambre : j’aimerai beaucoup revenir à Washington. Tellement belle ville. On recharge les batteries peu à peu… chaque journée apporte de l’énergie donc tant mieux ..

      1. says: Catherine

        N’hésite pas. L’offre est valable aussi longtemps que nous n’avons pas de visiteurs, tu peux venir seule, avec ton époux, les enfants (la maison est grande, on peut s’organiser). Bon courage!

  11. says: Anna

    Bonjour Isabelle, c’est un temps pour moi en ce moment… Je lis toujours avec, il est vrai, de l’émotion les récits de vie de personnes comme vous qui nous font partager leur quotidien. Je vous remercie.
    Je vous souhaite de belles journées.

  12. says: Sophia

    Je serais bien triste si vous décidiez d’arrêter mais je comprends votre sentiment après cette année si difficile. Je souhaiterais pouvoir dire plus pour vous montrer mon soutien. J’ai lu avec des frissons toutes les événements durs de votre année. Courage.
    Une lectrice régulière qui vit à Lyon et qui désire découvrir les Alpes! 😉

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